JOURNÉE D’ECRITURE, 2 JUIN 2012

«BALADES, BALLADES URBAINES»

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actus associatives

 

Les textes qui suivent ont été créés lors de la journée d’écriture du 02 juin 2012 intitulée « Balades, ballades urbaines ».

Tout a commencé dans un autobus où l’on était invité(e) à prendre place comme on l’aurait fait dans un fauteuil de théâtre ou de ciné, bloc-notes en mains. Drôle d’idée, vraiment !... Que l’on se rassure : l’après-midi proposait, de façon plus conventionnelle,  une flânerie pédestre au Crêt de Roch, ponctuée de pauses-écriture. Deux ballades au tempo différent pour des mises en mots tout aussi différentes. De ces itinéraires urbains, en rupture avec l’ordinaire quotidien,  les textes réalisés  révèlent une pluralité de perceptions et de focales comme autant d’empreintes prises sur la ville ou ceux qui la peuplent.

« Clairs de plumes » avait aussi ménagé des moments gourmands et conviviaux. Belle journée, belles rencontres, beaux échanges, que nous vous invitons à partager …


                                                                                                                                        Cécile



Il est 10h35, je monte dans un bus stéphanois. Des grincements, la chaleur et surtout la climatisation qui tourne sans produire aucun effet. A travers les vitres tâchées par des pluies poussiéreuses, j'aperçois de vieux immeubles, mais la végétation est là, toute proche, elle s'immisce même sur de vieux murets de pierre noire comme le charbon. A la vue de ces immeubles jaunis et sombres, il me semble que le passé minier de la ville est encore palpable dans ce quartier populaire.


Le mois de juin commence à peine, mais le pollen s'accumule déjà sur les trottoirs, comme une neige qui se serait trompée de saison. Dans le ciel bleu, seules quelques hirondelles occupent l'espace, elles virevoltent au gré des vents. Tout à coup, je perçois de lointaines conversations dans mon dos, qui me rappellent où je me trouve, mais je ne les écoute pas vraiment.


Il est temps de descendre du bus. Sur la place de l'église s'est installé un marché de produits locaux. D'agréables effluves me parviennent depuis l'étal du boucher. Et les poivrons rouges attirent mon regard: ils brillent incroyablement au soleil. De vieilles dames choisissent avec précaution les légumes qu'elles cuisineront plus tard pour leurs petits enfants.


De retour dans le bus, le rythme saccadé reprend. Dehors, un coquelicot a élu domicile juste sous un panneau publicitaire, c'est qu'il doit aimer l'ombre marketing qui plane sur lui. D'autres préfèrent le soleil, ce sont tour à tour des hommes et des femmes qui sont accoudés à leurs fenêtres et qui écoutent le vrombissement d'une moto ou le ronronnement des voitures qui attendent au feu. L'itinéraire se poursuit dans le centre-ville, tentaculaire. Des lignes électrifiées sont comme une toile d'araignée au-dessus de nos têtes et grillagent le ciel. Des pompes funèbres font la promotion de leurs produits. Ça me glace toujours autant. D'autres commerces se succèdent : primeurs, fleuristes, cafés, banques, restaurants, pharmacies. Encore une autre enseigne de pompes funèbres, est-ce qu'on meurt autant ?


L'agitation est forte à l'intérieur comme à l'extérieur du bus : accélérations, freinages, klaxons, clignotants. Les trottoirs de la ville sont sales, maculés de tâches grasses, parsemés de plastiques et de papiers. Le bus longe une station de vélo en libre-service. C'est assurément le symbole d'une ville qui se veut plus verte; pour ma part, plus d'espaces verts et de parcs au cœur de la ville m'auraient davantage satisfaite.


Et puis, c'est la fin de ce voyage urbain, je m'approche de la porte de sortie quand je me rends compte que la machine à composter s'exprime en anglais : « message unknown », qu'a-t-elle voulu me signifier ?


                                                                                                                                                 HELENE




SAINT-ETIENNE, LIGNE 7


Bonheur

Ils se parlent en se tenant par les yeux, sourient. Ils ne sont plus très jeunes, pas encore vieux ; elle est voilée, a un beau visage. Dans sa charrette de marché, des rouleaux de tapisserie. Lui porte un petit meuble.

Ils descendent et s’en vont retapisser leur vie encore neuve.


Mémoire

Le petit cirque bigarré s’est blotti au pied du puits de mine endormi, au milieu du parc désert. Deux rues plus bas, « le mineur stéphanois » a encore son café.


Côte Chaude, village

Place de la République, un village comme des milliers d’autres en France : église, monument aux morts, fontaine, marché. Vincent Mionouloux nous propose ses « saucissons fabrication traditionnelle ».

Sur le banc, les deux chabanis devisent sur le monde qui va.


Déception

Les trois lascars montent à Tarentaize, maillots de foot et tongs. Ils semblent décidés, contents d’eux, serrés sur un même fauteuil. Quand ils descendent place Chavanelle, quatre manèges arrêtés ne les attendent pas.



                                                                                                                                    CHRISTIANE




MARYLIN


Dans le bus S7 qui sillonne la ville aux 7 collines, j'ai croisé Marylin. Marylin?

Quelle Marylin?

Marylin Monroe of course!

Une Marylin vieillie et sur le déclin mais encore belle de sa beauté passée; cheveux blonds presque blancs légèrement ondulés, lunettes noires sur un visage pale, inexpressif car trop lifté, lèvres minces et pincées en place de la bouche pulpeuse. Pas de robe moulante sur fesses rebondies mais une liquette léopard sur chemisier blanc et pantalon noir. Pas de talons vertigineux so sexy mais des espadrilles blanches à talons compensés; ça casse un peu l'image! Tout de même, au doigt, une grosse et belle bague: pierre marine sertie de diamants; n'est pas Marylin qui veut!

Où sont donc les paparazzis et les fans transis? Marylin incognito dans un bus? J'y crois pas!

Arrivée à destination, je quitte à regret Marylin et je repars en emportant mon rêve. Bye-bye Dear.


                                                                                                                                                  DENISE




Ballusade

Il faut être à l’heure, il ne l’est pas toujours. On l’attend, pas lui.

-Enfin, il est là, mon Dieu, c’est blindé !!!

-Ouf, les fenêtres sont ouvertes, on va pouvoir respirer !

Installés en hauteur, nos regards scrutateurs vont passer une bonne heure !

Difficile de bien écrire, pas sûr qu’on puisse se relire !

Le voyage est un peu brusque, tout se calme quand il s’arrête pour que le va-et-vient se déroule.

Tourner, monter, osciller, stopper, priorité, redémarrer, basculer, ne pas se faire oublier du chauffeur qui connaît le parcours par cœur mais n’en connaît pas les aléas de cet instant-là.

Un parcours de détours : école, mairie, musée, stade, amicale, marchés, épicerie, église… ce décor ignore notre passage.

Face aux maisons coquettes sous leurs habits de lierre, se dressent des barres d’immeubles impersonnels et austères : un contraste déroutant.

Le relief accidenté rend la plongée au cœur de la ville peu rassurante : les freins vont-ils résister ?

Barrières, sens interdits, passages trop petits… Certains quartiers ne donnent pas envie de s’attarder, on ne s’y sent pas invité, même comme simple passager.

-Allo, oui, on est dans le bus, on arrive !

La tête appuyée contre la vitre, on se laisse aller dans ses pensées, espérant que le chauffeur, lui, reste concentré ! On voit défiler, boulangeries, pharmacies, fleuristes, bijoutiers, bar-tabac, coiffeurs et opticiens. Tout un petit monde qui cohabite autour de nous, auquel on se mêle avec nos rituels.

Un nouveau chauffeur, vain espoir de douceur ! Même assis on peut tomber !

Des yeux qui interrogent un vide de réponse, la parole n’a pas sa place entre cette mère et sa fille qui écoute la musique trop fort pour être bien dans sa tête.

-Dépêche-toi, on descend là !

                                                                                                                                         CLEM





PROMENADE EN BUS


Le 7, direction MICHON, flanqué de sa bandière bariolée à dominante verte, arriva sur les chapeaux de roues.

Ralenti par le bras d’une cliente en devenir qui voulait acheter un ticket, il était manœuvré par un chauffeur portant beau - à l’allure de corsaire, à son oreille pendaient trois anneaux.

Nous embarquâmes toutes voiles dehors vers des collines orientales, passâmes devant l’école du Petit Coin, et point d’ancrage, le Corsaire nous débarqua après Chavassieux, devant un marché fleuri, où maints chalands vendaient leurs produits ; un charcutier présentait de divins saucissons, en face du  « Troquet d’ Annie, au Beaujolais ».

L’église de Côte Chaude nous montrait ses arrières flancs.

Nous dégourdîmes nos pieds et nos jambes tout autour de la place de Côte Chaude.

Et tout d’un coup le bus -à son bord le Corsaire-, nous attendait pour un retour vers les ruelles centrales de Saint Etienne.

Benjamin Franklin avait  laissé son empreinte sur un bâtiment. Nous passâmes à l’aplomb du Puits Couriot et du Musée des Mines, à flanc de la gare du Clapier ; nous pûmes apercevoir à l’intérieur de la gare, le restaurant la Mangouse, qui invitait à une halte, avec force pancartes publicitaires.

Mais le Corsaire, appelé par d’autres impératifs, continuait sa route, sans sourciller, pour  finalement nous faire descendre près du « Mineur Stéphanois », tout un pan de l’histoire industrielle de Saint Etienne.

Dans le bus, montaient et descendaient tour à tour, jeunes et moins jeunes. Sur les adolescentes et les mamies vieillissantes, des vêtements aux impressions tigrées, signes de leur féminitude, étaient ostensiblement affichés.

Tout au long du  parcours, je fus amusée par les noms de certains commerces, et par des plaques professionnelles  souvent comiques ; ici un cierge à la devanture d’un magasin d’esthétique, là un troquet appelé le « Père OK ».

Nous arrivâmes en fin de parcours, devant un carrousel  attendant que de jeunes enfants s’installent pour un voyage au pays des merveilles.

                                                                                                                                    RAPHAELLE




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Une accumulation de tombes, en pierres blanches ou en marbre, surmontées par des croix qui pointent toutes vers le ciel. Toutes ces personnes disparues souhaitaient-elles le rejoindre ? Elles s'en sont en tous les cas rapprochées, sur ce crêt dur comme la pierre, situé à la cime de la ville. Des milliers d'âmes plus ou moins alignées, juxtaposées, presque classées, dont les tombeaux serpentent à travers d'étroites allées de gravier ou de goudron. La tendresse et le souvenir des familles est perceptible au travers des épitaphes et des fleurs laissées aux disparus. Les tonalités de rouge, d'orangé et de jaune viennent rompre avec la froideur des tombes, ce cimetière n'a rien de lugubre, bien au contraire. Je ferai peut-être une réservation.

                                              

                                                                                                                               HELENE



                                                                                                                                                                    


CIMETIERE DU CRET DE ROCH

SAINT-ETIENNE


Les morts, les pauvres morts, sont pareils aux vivants.

Exactement.

Ils aiment avoir une belle vue, sentir le vent léger les caresser, être entourés par les sept collines.

Ils sont comme les vivants.

Sobres : plaque de marbre, un nom, deux dates.

Pratiques : échelle pour grimper sur le caveau, trappe pour l’ouvrir.

Bucoliques : étendus à même la terre sous un pin.

Mystiques : sous une gigantesque statue de Moïse brandissant les dix commandements.

Mystérieux : cachés sous un cône en métal rouillé, sans indication ni notice explicative.

Prétentieux : logés dans une cathédrale miniature, avec autel personnel.

Humbles : dissimulés sous des couronnes en plastique décolorées.

Oubliés : sous une pierre cassée et renversée.

Enigmatiques : qu’a-t-il pu vous arriver ici-bas, pour que vous vous adressiez aux vivants qui passent en leur disant :

« Pardonnez, Dieu vous pardonnera ».


                                                                                                                                    CHRISTIANE





Le Crêt de Roch et ses longs escaliers nous révèlent une facette de Saint-Étienne à la fois surprenante et esthétique. D'un côté et de l'autre des marches se trouvent des maisons anciennes et des jardins privés très colorés et bien entretenus. Les lampadaires en métal forgé diffusent leur lumière et instillent une douce chaleur le soir venu. Le temps est comme suspendu, la brise exhale les effluves des rosiers en fleurs. La vie au Crêt de Roc semble plus apaisée qu'ailleurs.


                                                                                                                                 HELENE




Le Crêt de Roch


Prom’ville

Les toits s’imbriquent, le tout semble tenir, on ne comprend pas comment, on se demande jusqu’à quand ?

Les grues s’activent pour renforcer, moderniser, réorganiser ces amas de pierre, béton, verre, métal, bois, briques et bambous.

Passants, piétons, pressés ou perdus, foulent le pavé : une chorégraphie mise en scène par un soleil menaçant.

Réunion de paradoxes la ville est ceinte de campagnes, envahissantes ?

Vue plongeante inouïe sur des milliers de fourmis qui s’éparpillent dans le bruit.

Du jus de fruits frais, je n’en bois jamais, mais là, il le fallait, sinon ma tête en aurait fait les frais !

                                                                                                                               CLEM




Le ventre plein, la tête au soleil, dodelinant, cahin- caha, vers l’ascenseur du Crêt de Roch, nous avançons.

Tape dur ralentit notre marche. Grâce à l’ascenseur, nous voilà à flanc de coteau ; quelques marches plus loin, le soleil redouble, et au final le Crêt de Roch, et les vieilles maisons, jadis lieu de vie du personnel des Mines, nous offrent  leur  ombre.

Un croquignolet magasin de fleurs nous rappelle notre proximité avec le Champ Saint, le Cimetière du Crêt de Roch.

Un peu de fraicheur nous permet de décompresser, nous redescendons calmement.

Pendant notre descente, « C’est inattendu la ville » exprime Renée : je suis plutôt étonnée et surprise par la décontraction des gens, par le côté Montmartre et Belleville de ces collines stéphanoises, par son côté campagnard.

Sur la belle descente du crêt de Roch, des jardins colorés jouxtent les habitations; devant une remise où le jardinier a planté des tomates, des ifs fraichement taillés, apparaissent tels des sculptures. Nous voyons en contrebas la ville, et un dôme, celui de la préfecture.

Nous rejoignons le centre ville - sans l’intermédiaire de l’odoriférant ascenseur utilisé à  l’aller, nous arrivons devant l’Eglise Saint- Charles. Fin de notre ballade.

                                                                                                            RAPHAELLE