petites chroniques

SommairePetites_Chroniques.html
 

Quelques mots sur un auteur : Jane Sautière


Il est des livres inénarrables.

Inénarrables parce que les histoires qu’ils nous racontent  n’ont  pas la forme d’ « intrigues ». Pourtant, ce ne sont ni des essais, ni des témoignages, mais une littérature qui  nous éclabousse de reflets du monde, de facettes d’existences elles aussi réelles. Expériences de vie(s) et cheminements dans les méandres de la mémoire : on est dans l’autofiction, genre éminemment contemporain aux ressorts complexes.  « J’ai eu moi aussi le choix de mes légendes », nous avertit Jane Sautière dans les premières pages de « Nullipare » (Ed. Verticales, 2008), son dernier ouvrage, dont elle annonce le projet en quatrième de couverture : « Je voudrais interroger l’ahurissant mystère de ne pas avoir d’enfant comme on interroge l’ahurissant mystère d’en avoir.» Une notion donc, que l’auteur tisse au plus près d’un bord à bord entre l’intime et le social, entre ce qui a été, ce qui ne sera pas ou ne sera plus. Mais un livre qui parle si bien (et contre toute attente peut-être) de …la filiation.

Avant « Nullipare », Jane Sautière avait publié « Fragmentation d’un lieu commun » (Ed. Verticales, 2003). Le sujet là aussi est ardu. La prison. Loin, si loin, des clichés attendus, du voyeurisme ou de l’auto-centration qui caractérisent souvent la littérature carcérale, l’auteur peint à touches sensibles certains fragments de la vie de ceux qu’elle a pu croiser dans ces lieux d’enfermement. Acuité du regard et de l’attention, pudeur et intensité dans le choix des mots. Ce livre est écrit d’une manière très personnelle dont l’incipit nous donne la tonalité: « J’ai commencé ces textes lorsque je vous ai écouté. Il ne s’agit pas d’écrire une souffrance (la vôtre ou la mienne), il s’agit d’être là. ».

Une écriture du fragment, sous-tendue par un véritable travail sur le langage. Une « écriture comme un couteau », comme la définirait Annie Ernaux. Des livres, enfin, dont on ne sort pas indemne.

                                                                                                                               Cécile